Photographie et digital
«J’enfonçai le poing à travers la vitre et allongeai le bras en dehors pour saisir la branche importune ;
mais, au lieu de la trouver, mes doigts se refermèrent sur les doigts d’une petite main froide comme la glace !
L’intense horreur du cauchemar m’envahit, j’essayai de retirer mon bras, mais la main s’y accrochait et une voix d’une mélancolie infinie sanglotait : « Laissez-moi entrer ! laissez-moi entrer !»
(…)
« Me voilà revenue à la maison : je m’étais perdue dans la lande ! »
(…)
« La voix gémissait toujours : ” Laissez-moi entrer ! ” et l’étreinte obstinée ne se relâchait pas, me rendant presque fou de terreur.
” Comment le puis-je ? ” dis-je enfin ; ” lâchez-moi, si vous voulez que je vous fasse entrer ! ”
Les doigts se desserrèrent, je retirai vivement les miens hors du trou, j’entassai en hâte les livres en pyramide pour me défendre, et je me bouchai les oreilles pour ne plus entendre la lamentable prière. Il me sembla que je restais ainsi pendant plus d’un quart d’heure. Mais, dès que je recommençai d’écouter, j’entendis le douloureux gémissement qui continuait !
” Allez-vous-en ! ” criai-je, ” je ne vous laisserai jamais entrer, dussiez-vous supplier pendant vingt ans.
– Il y a vingt ans “, gémit la voix, ” vingt ans, il y a vingt ans que je suis errante. ”
Puis j’entendis un léger grattement au-dehors et la pile de livres bougea comme si elle était poussée en avant. J’essayai de me lever, mais je ne pus remuer un seul membre, et je me mis à hurler tout haut, en proie à une terreur folle.»
Les Hauts de Hurle-Vent, Emily Brontë